15 Sep Faire carrière dans les métiers de l’aide à domicile ?
Faire carrière dans les métiers de l’aide à domicile ?
Mal perçus, mal rémunérés, mal valorisés et pourtant unanimement reconnus nécessaires. Et si faire carrière dans les métiers de l’aide à domicile et du maintien de l’autonomie devenait un vrai choix ? C’est le pari que font deux acteurs de la région : Présence Verte Services et l’Institut Transdisciplinaire d’Etude du Vieillissement (ITEV).
D’un côté, Présence Verte Services, dont le cœur de métier est l’aide à domicile, qui, avec plus de 1700 employés, est le 38e employeur de la région Occitanie. De l’autre, l’ITEV, un institut public national, composante de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE), dont les missions principales sont l’expertise, la diffusion des savoirs et la formation dans le domaine du vieillissement.
Un secteur en tension mais une profession sans avenir
Le constat est partagé par tous les professionnels et les experts : alors que l’augmentation du nombre des personnes âgées est constante (20 millions de personnes de plus de 65 ans, dont 12 millions âgés de plus de 75 ans en 2050), que la perte d’autonomie avec risque de dépendance est une réalité, que le maintien à domicile est privilégié et les solidarités familiales plus compliquées, il devient urgent et nécessaire de former des professionnels en mesure d’accompagner les ainés dans leur quotidien.
Mais aujourd’hui, la vocation est rare et le métier de l’accompagnement des âgés est souvent choisi par défaut. Il faut reconnaitre qu’il est difficile de convaincre un jeune de s’engager dans un secteur « pas valorisé socialement, ni convenablement rémunéré », comme le note le Comité National d’Ethique dans son dernier rapport (mai 2018).
Une formation adaptée aux enjeux
La rencontre entre Martine Laurent, Directrice Générale de l’association, femme de terrain et Anne Marcilhac, Directrice de l’institut, chercheur en neurobiologie, fait mentir les rumeurs selon lesquelles le monde de l’entreprise et le monde universitaire seraient trop éloignés pour pouvoir se parler. Il faut reconnaitre que les points communs sont nombreux, parmi lesquels le pragmatisme et le bon sens, face à une situation de crise.
Martine Laurent : “Aujourd’hui, nos services sont confrontés à une nouvelle attente : assurer une veille active sur la situation de la personne accompagnée à domicile, transmettre les informations pertinentes, adapter ses pratiques aux nouvelles attentes et se coordonner avec d’autres acteurs. Pour répondre à cette nouvelle demande, nous devons faire évoluer les connaissances et les compétences de nos salariés. De même, nous constatons que nous devons faire face à une dépendance et un isolement accrus des personnes à domicile. Ce sont nos salariés intervenants à domicile qui sont en première ligne et qui doivent apporter les réponses à des situations parfois complexes.
Leur donner la plus large connaissance possible des différents aspects de la perte d’autonomie, du vieillissement et des maladies associées c’est leur donner les moyens d’exercer leurs missions dans des conditions de travail sécurisantes et c’est reconnaître leur rôle essentiel à domicile.
Enfin, dans notre organisation décentralisée, il est impératif d’avoir des salariés autonomes, responsables, préparés à un large éventail de situations.“
Anne Marcilhac : “Pour les entreprises, les difficultés de recrutement et de fidélisation des salariés sont intrinsèquement liées au manque de reconnaissance et à l’absence d’évolution de carrière. De plus, les personnes travaillant dans le domaine de l’aide à domicile sont parmi les plus exposées aux risques professionnels.
Notre objectif réside donc dans la structuration de la profession, la valorisation des métiers et la protection des personnels pour une réelle reconnaissance professionnelle. C’est ce à quoi s’engagent l’ITEV et le Service de Formation continu de l’EPHE au côté de Mme Laurent.
Face aux nouveaux besoins de compétences pour l’accompagnement des personnes âgées, des personnes handicapées vieillissantes et de leur proche aidant il nous est apparu indispensable de faire évoluer le contenu, les modalités et le niveau de formation de ces professionnels unanimement reconnus comme des acteurs clés pour le maintien à domicile de nos ainés.
La formation « Coordinateur(trice) du parcours de vie des personnes en situation de fragilité – Option : Personnes âgées / Personnes handicapées vieillissantes » permet l’acquisition des fondamentaux et des spécificités liées à la problématique du vieillissement des personnes porteuses ou non d’un handicap.
Nous avons travaillé avec PVS afin d’adapter l’organisation des enseignements à un public de professionnels. Nous proposons une formation en 2 niveaux. L’année 1 permet d’acquérir une pratique professionnelle qui permet d’anticiper, d’adapter et de diversifier les interventions, l’année 2, d’être en mesure d’assurer la coordination de terrain et l’évaluation des interventions. Pour l’enseignement, nous avons choisi de de nous adresser à des professionnels, experts reconnus dans leur domaine d’activité, afin d’être en parfaite adéquation avec la réalité de terrain.
Nous souhaitons, dans les 3 ans, faire reconnaître cette formation à un titre RNCP Niveau III afin de valoriser un vrai parcours de formation Bac à Bac+2 et intégrer ce « nouveau métier » dans les conventions collectives des entreprises afin d’améliorer la rémunération de ces professionnels.“
Martine Laurent : “Evidemment, la réussite de cette mutation ne se fera pas sans l’adhésion de nos salariés et sans une juste rémunération de leurs missions. Ils sont des acteurs clés du maintien à domicile et leur métier répond au souhait des français qui veulent, en très grande majorité, vieillir chez eux. De plus, nous savons qu’il possible de ralentir l’installation de la perte d’autonomie par une vigilance qui permet de détecter les premiers signes de fragilité. Ils doivent être en capacité de repérer et de relayer l’information auprès du réseau de professionnels. La pertinence de leurs alertes est essentielle.
La problématique du financement du maintien à domicile nécessite des solutions budgétaires transverses puisqu’elle concerne toute la société. Regardons ce qui se passe lors des sorties d’hospitalisation : le retour à domicile est le souhait prioritaire des personnes mais il n’est souvent pas possible faute de financement pour un accompagnement adapté. De ce fait, les personnes restent dans les services de médecine ou de soins de suite alors qu’elles n’ont plus de légitimité à y être, faisant peser sur l’assurance maladie un coût non négligeable.
Le financement de ce coût pourrait être fléché vers les services de maintien à domicile et ce serait une opération gagnant-gagnant pour tous.
Dans n’importe quel secteur de l’économie, là où il y a plus de demande que d’offres, les rémunérations augmentent et ici, alors qu’il s’agit de traiter d’un réel enjeu de société, nous ne sommes même pas en mesure de proposer une juste reconnaissance et rémunération à nos salariés. Pour nos ainés, comme pour les professionnels, il nous faut changer de regard et paradigme. Je suis sûre que cette formation va y contribuer.“
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